L'île de Zamami
L’île de Zamami fait partie de l’archipel de Kerama, à une heure de bateau légèrement au sud ouest de l’île d’Okinawa. C’est aujourd’hui un parc marin magnifique. Située au milieu d’un chapelet d’îles assez escarpées ses eaux calmes étaient un abri idéal pour qui cherchait un avant poste en vue d’attaquer Okinawa. Les îles de Kerama, dont Zamami est le port principal, furent le point de départ de l’attaque américaine sur Okinawa. Il y a peu d’informations sur l’île au sujet de la guerre, mis à part un monument dédié aux victimes de 1945 caché dans une colline au fond du village. Cela prend tout son sens quand on sait que la population y a été décimée, non pas par l’armée d’invasion américaine mais par les japonais avant même que les “Marines” ne foulent les plages de l’île. Il est donc difficile d’imaginer que la guerre soit passée par ici. Un article détaillé de Dave Byatt *, professeur étranger à Zamami qui a pu interviewé des survivants donne beaucoup d’informations sur ces évènements. J’en résume l’essentiel ici :
En 45 l’armée japonaise comptait 2300 hommes sur Kerama chargés de défendre l’archipel et construire des bases de bateaux suicides qui ne seront finalement jamais utilisées. Le commandement japonais à Naha pensait que les américains attaqueraient directement Okinawa en provenance du sud. Ainsi les japonais retirèrent l’essentiel de leurs forces défendant les îles environnantes, abandonnant une défense squelettique avec très peux de vivres et munitions laissant ainsi les îles au bord de la famine. Devant le désespoir et la colère montante des insulaires, les soldats japonais en sous nombre paniquèrent et instaurèrent la terreur afin de contrôler la population. Ces mesures barbares culminèrent sur l’île de Kume quand 49 civils innocents, incluant les enfants furent exécutés accusés d’espionage.
Du côté américain l’amiral Turner, commandant en chef d’une flotte de plus de 1400 navires décida qu’une invasion immédiate d’Okinawa était prématurée. Il ordonna à ses troupes de contrôler l’archipel de Kerama pour y rassembler la flotte avant le débarquement décisif sur la côte ouest de l’île dans la baie de Chatan.
Le 26 mars 1945 une force de combat gigantesque apparut sur l’horizon. Fait inconnu alors des américains, les îles de Kerama étaient pratiquement laissées sans défenses. Très peux de soldats entraînés, quelques marins volontaires et des pilotes Kamikazes démoralisés ayant détruits leurs bases de bateaux Kamikazes, avant l’attaque, de peur quelles ne tombent au main de l’ennemi.
De plus du côté japonais les soldats laissés à eux-mêmes devaient exécuter et transmettre aux habitants les ordres du haut commandement : leur capitulation serait un déshonneur pour le Japon, ils devaient donc se sacrifier au nom de l’empereur. Personne sur les Keramas ne devait être capturé vivant. Les villageois reçurent l’ordre de se suicider. Certain se rebellèrent mais la plupart suivirent dans la mort leur maires. C’est dans la nuit du 26-27 mars que les suicides collectifs eurent lieu. L’armée japonaise avait distribué une grenade par famille, les plus vaillant devaient tuer les membres de leur famille et ensuite se faire sauter à la grenade.
Après d’intenses bombardements les troupes américaines débarquèrent le 27 mars dans l’archipel qu’ils prirent en deux jours. Les Marines trouvèrent quelques fugitifs dans les collines, des habitants et la plupart des soldats japonais qui ne s’étaient pas suicidés alors qu’ils avaient promis aux insulaires qu’ils se battraient jusqu’à la mort …
Aujourd’hui aucunes traces de tout cela sur l’île. La blessure laissée par la guerre et les japonais est invisible, en tout cas pour l’étranger de passage, il existe en effet depuis 1945, et certainement pour longtemps encore, une division bien réelle entre les communautés des Keramas. Cette division est celle des familles dont les membres se sont donnés la mort et celles qui ont refusés de le faire : d’un côté il y a ceux qui ne peuvent s’empêcher d’éprouver de la fierté devant l’acte de bravoure de leurs prédécesseurs et de l’autre ceux qui les regardent avec pitié, signifiant d’un mouvement de tête en les croisant cette perte horrible et inutile.
* Article complet en anglais de Dave Byatt, lien sur la page DOCUMENTS et Liens